En France, entre 80 000 et 120 000 personnes parlent la Langue des Signes Française, la LSF. Une langue riche et complexe, avec une histoire, une grammaire, une syntaxe et une culture. Rien à voir avec de simples mimes ou des successions de signes désorganisés. La preuve : 120 heures de cours seraient nécessaires pour en avoir une bonne approche, 420 pour être à l’aise dans la plupart des situations. D’ailleurs, il existe des formations éligibles au CPF pour l’apprendre. Talentéo vous donne 7 informations à connaître !

La LSF est une véritable langue !

Plusieurs chercheurs se sont attachés à démonter que la LSF était une langue à part entière. Les travaux du linguiste William C. Stockoe, dans les années 60, ont ouvert la voie à de nombreuses études, que ce soit sur la langue, la culture, les arts, ou encore l’histoire de la communauté sourde.

Grâce à l’application de l’imagerie médicale à la neurolinguistique, il a été possible de déterminer les zones cérébrales activées lors de l’utilisation d’une langue des signes. Résultats : ce sont bien des langues avec leur système grammatical propre et non pas une simple retranscription des langues orales par le biais de la dactylologie. Au Portugal, en Hongrie ou encore en Finlande, la langue des signes est même inscrite dans la Constitution.

Voilà tout de même plusieurs siècles que ces langues existent et s’enrichissent.

« Dans sa forme actuelle, elle n’a qu’un siècle et demi d’existence. » explique Yann Cantin, maître de conférences à l’Université Paris 8 et historien spécialisé dans l’histoire de la communauté sourde et de la LSF. « La LSF a connu de nombreuses évolutions. Celles-ci étaient non pas au niveau de la syntaxe ou de la grammaire, mais du vocabulaire. Nous avons pu remonter jusqu’au XIIe siècle pour les formes les plus anciennes de LSF découvertes. »

Elle compte plus de 22 500 signes

Pour faire simple, il existe trois types de signes :

  • les iconiques, inspirés du mime ;
  • ceux inspirés du français ;
  • les inventés, comme ceux utilisés pour nommer quelqu’un (orthosignes).

Jacques Chirac, par exemple, se signe en faisant avec les deux mains le V de la victoire et des signes dactylologiques. Chaque lettre est représentée par un signe spécifique. Cela permet notamment d’épeler. Au total, le Dico Elix recense plus de 22 500 signes.

Quelques premiers signes pour s’initier à la LSF. Source : URAPEDA Rhône Alpes.

La LSF n’a ni conjugaison, ni genre

Leur seule maîtrise ne suffit pourtant pas à se faire comprendre. La LSF est une langue qui se parle avec l’ensemble du corps.

Selon la configuration des mains, l’orientation des épaules ou du regard, les expressions et le mouvement, les mots n’auront pas toujours le même sens.

Quant à la grammaire, elle diffère de la langue parlée. En français, la phrase se compose d’un sujet, d’un verbe et d’un complément. En LSF, sa structure est construite comme suit : temps + lieu + sujet + action.

Il n’y a ainsi ni conjugaison, ni déclinaison, ni genre. Pour situer une action dans le passé, nous devons indiquer derrière son épaule, le présent se trouve au niveau du corps et le futur devant soi.

Elle n’est pas universelle

Comme toute langue, la LSF connait des fluctuations en fonction des régions et selon les pays.

D’ailleurs, il existe des langues des signes de Marseille ou encore de Nancy. Qu’on se le dise : la langue des signes n’est pas universelle.

Nous pouvons ainsi parler de la LSF (Langue des Signes Française), de l’ASL (American Sign Language) ou encore de la LSB (Langue des Signes Belge). Cependant, il semble plus facile pour deux personnes sourdes de nationalités différentes de communiquer entre eux que pour deux entendants. Cela s’explique notamment par la similarité grammaticale des différentes langues, et car certains signes restent proches.

En LSF, « chat » se signe en mimant avec les deux mains les moustaches. En ASL, on ne mime la moustache que d’une seule main. En revanche, « chien » se signe en mimant une queue qui bouge, « dog » en claquant deux fois des doigts.

Dans les années 70, à l’instar de l’Esperanto, il y a eu une tentative de langue des signes universelle avec le Gestuno. Elle n’a rencontré qu’un succès très relatif.

Il existe également des expressions propres à la LSF. Par exemple, « donner son dentier » signifie passer le relais aux jeunes dans une association et « distribuer des bonbons » exprime le fait d’accorder de faibles concessions pour apaiser des tensions justifiées.

Cette langue a été interdite en 1880, puis reconnue en 2005

Un grand tournant dans l’histoire de la LSF se situe au XVIe siècle. Le moine espagnol Pedro Ponce de León (1520-1584) est le premier à se soucier de l’éducation des sourds. En effet, ces derniers étaient considérés jusque-là comme des simples d’esprit. Il ouvre une école dans son monastère et crée un alphabet manuel.

Deux siècles plus tard, en 1760, en France, l’abbée de l’Épée fonde à Paris la première école pour enfants sourds. Malgré toute sa bonne volonté, il commet une erreur : il met au point des « signes méthodiques ». Ceux-ci ont pour objectif de représenter toutes les terminaisons de verbes, articles, prépositions et auxiliaires présents dans le français parlé. Ils décomposaient les mots en associant un signe à chaque morphème. L’abbé de l’Epée ne se rend pas compte que la langue des signes avait déjà son propre fonctionnement.

À partir de 1800, la méthode orale, qui consiste à apprendre aux personnes sourdes à parler, est progressivement mise en application. En 1886, la langue des signes est interdite dans toutes les écoles françaises par le Congrès de Milan, car elle n’est notamment pas « considérée comme une vraie langue ». Elle sera à nouveau autorisée en 1977 en France. En 1991, l’amendement « Fabius » reconnait aux familles de choisir une communication bilingue. Et si l’ASL est reconnue comme langue aux États-Unis en 1960, il faudra attendre 2005 pour que la LSF le soit de ce côté-ci de l’Atlantique.

Initiation à la LSF lors de l’événement Sport2Job Lyon 2022. Source : L’agenceT.

« Le réveil sourd » ou une prise de conscience collective

Une histoire commune et cela ne s’arrête pas là. Dans les années 70-90, on assiste à ce qu’on appelle le « réveil sourd », un mouvement de réhabilitation de la LSF. Il enclenche un renversement du stigmate de la déficience auditive à l’expression d’une « culture sourde ».

Concomitamment, apparaissent aux États-Unis, les Deaf Studies, un domaine de recherche qui se développe en France à la fin des années 70. Il aborde l’histoire des personnes sourdes sous différents aspects : histoire sociale, culturelle, ou encore linguistique. Aujourd’hui encore, il existe de nombreuses initiatives pour promouvoir la LSF et mieux faire connaitre la culture notamment au travers de festivals comme le festival Clin d’œil et le festival Sign’Ô.

Les sourds ne parlent pas tous la langue des signes

Eh oui ! Bien que régulièrement mise en avant, la Langue des Signes Française n’est pas le seul mode d’expression dont dispose une personne sourde. En effet, certains sourds ne parlent pas la LSF et « oralisent ». C’est à dire qu’ils développent des mécanismes de compensation, comme la lecture labiale, pour communiquer vocalement. D’autres vont utiliser la Langue Parlée Complétée, la LPC. Celle-ci va mixer communication orale et gestuelle. La LPC n’utilise pas les signes de la LSF. En effet, les gestes utilisés correspondent uniquement à des syllabes.

 

Vous l’aurez compris, au-delà d’un mode de communication, la Langue des Signes Française implique toute une culture. Malgré tout, comme pour tout autre langue étrangère, intégrer une personne sourde signante n’est pas un frein dans le cadre professionnel. De nombreuses solutions existent, qu’elles soient organisationnelles ou technologiques. Le seul handicap serait de ne pas essayer !

 

Nous vous proposons de clore cet article par une petite vidéo de Mélanie Deaf. Un compte Instagram dédié à l’apprentissage de la LSF :

 

 

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