Lors de la conférence Talentéo du 14 mai 2014 nous avons pu rencontrer Pascale Solona, journaliste spécialiste du recrutement. Nous avons découvert une personne avec un parcours hors-pair dans le monde du recrutement. Coup de projecteur sur son livre « Pourquoi-moi ? ».
Le livre « Pourquoi moi ? » c’est avant-tout l’histoire d’une quadragénaire qui, après avoir rompu un CDI de 13 ans a rejoint une PME et s’est retrouvée au chômage.
Rejoignant les 3,5 millions de chômeurs qu’elle appelle « amis » dans son livre, elle nous raconte son parcours pour retrouver un emploi, et surtout nous dresse le portrait du recrutement avec un ton léger. Talentéo l’a interviewé pour en savoir un peu plus.
Bonjour Pascale, peux-tu te présenter ?
Je suis née en 1970 à Brest, je suis une bretonne mais d’origine catalane, on peut donc dire aisément que j’ai un peu de caractère ! Je n’étais pas du tout destinée à une carrière dans le secteur de l’emploi. Ma mère cadre infirmier et mon père musicien dans la marine nationale, je décide de faire des études universitaires en géographie, océanographie ! Et quelques années plus tard, me voilà à la tête d’un magazine emploi pendant 13 ans ! Je fais plutôt partie de ces femmes cadres dynamiques nouvelle génération.
C’est certain que ce parcours atypique ne me prédestinait pas à devenir un cadre dans la presse régionale de l’emploi. Ma vie professionnelle est overbookée, un beau réseau … Une vie sentimentale en dents de scie car ma carrière a été longtemps mon premier objectif. Bref, la « V.2 » de la femme moderne. Je suis engagée au Centre des Jeunes Dirigeants (CJD) de Lyon car je suis persuadée qu’un manager doit apprendre encore et toujours. Je m’engage également bénévolement auprès de structures telles que FACE. Bref je suis convaincue : je vais changer les choses sur les questions de l’emploi. Un brin prétentieux !
Et un jour, happée par les sirènes des managers, je fais un choix, je donne ma démission, je prépare mon départ du Journal de l’emploi pour intégrer une autre entreprise. Et là, crise aidant, je subis un licenciement économique et pour le coup j’avais complètement oublié de me préparer à cette éventualité.
Alors il est clair que ma vie bascule, je fais ce que je nomme mon « coming-out » de l’écriture, mais je ne perds en rien mes engagements et mes convictions. Je les regarde autrement et j’agis en conséquence. C’est une nouvelle aventure, un peu ardue, non choisie mais finalement très riche et je m’y retrouve.
Nous allons vous avouer quelque chose, chez Talentéo nous adorons ton livre, comment t’est venue l’idée de l’écrire ?
Merci !
Très certainement une sorte de prise de conscience, aussi horrible que cela puisse vous paraître, pendant 13 ans, j’écrivais pour des demandeurs d’emploi, je les recevais, je les aidais, avec le sentiment sincère de bien faire et le jour de mon licenciement économique, je les ai vraiment vu.
C’est vraiment pour cela que j’ai souhaité raconter mon histoire, mais sans colère, sans révolte et avec légèreté. Bref, si on pouvait redonner du moral et avec, osons le dire, humour à ce qui est le plus grand mal de cette décennie : le chômage.
J’ai écrit ce livre comme une confidence. Comme si je parlais doucement à l’oreille d’un dirigeant, d’un élu, d’un DRH, d’un demandeur d’emploi et que je lui disais : « Ce n’est pas juste ce chômage, pourquoi ne parle-t-on jamais des cadres de 40, 45 ans en situation de chômage, les grands oubliés de toutes mesures ou lois ? Pourquoi ces nouvelles technologies magiques, indispensables nous éloignent-elles tellement les uns des autres… On fait quoi maintenant ? Eh bien moi j’ai 2 ou 3 idées… ».
Ce livre c’est mon regard sur la société, l’emploi, le licenciement et le rebond. C’est certes un témoignage mais c’est aussi une ébauche de solutions, du retour au bon sens en termes de management. J’ai eu une vraie volonté de partager mon expérience, mes ressentis, mes pistes et réflexions. Pas de jugement, pas de fatalisme non plus.
Pour se faire, j’ai opté pour une écriture simple, parlée, un langage compris de tous, un mélange d’autodérision et d’ironie, une analyse un peu parfois corrosive sur la société, la vie, le travail, je crois que c’est cela qui fait aussi l’originalité de ce livre. Un recruteur l’a décrit comme : « Un livre qui fatigue utile » Tant mieux !
Et enfin pourquoi ce livre ? Parce que sans doute dans la vie qu’il s’agisse d’emploi, de chômage, d’actions sociales, nous ne nous rencontrons plus, car il y a urgence. Mais urgence à quoi exactement ? Si on s’offrait un tout petit arrêt pour se poser les bonnes questions ?
Tu as quitté une entreprise dans laquelle tu étais en CDI depuis 13 ans pour une PME qui t’a licenciée après 6 mois. Et si c’était à refaire ?
Je le refais, oui sans aucun doute. Cela peut paraître un peu dingue. Certains disent : « La prochaine fois, je ferais attention, je regarderais si, je regarderais là … » Très bien, mais je l’ai fait ! Je ne suis pas une insouciante, une utopiste, je connaissais les risques, je sais ce qu’est une PME. Et j’adore toujours autant l’audace des dirigeants des PME. Tous ces patrons de PME me touchent ! Ils sont l’énergie éprouvée mais si vaillante de notre économie.
Alors oui je dois me remettre en question dans une période houleuse, j’ai failli dire « ère » tellement cette crise n’en finit pas de finir ! C’est clairement difficile, mais cela m’aide à construire demain. Je fais l’état des lieux de mes connaissances, de mon expérience, je pousse la rencontre. Tout cela me force aujourd’hui à travailler encore plus fort mon expertise, à la développer, mais aussi à l’affiner.
J’aime beaucoup l’idée de devenir un ingénieur productif de l’emploi. A mon tour de me réveiller, de mettre en place des actions qui aient du sens. L’innovation n’est pas seulement le fait exclusif et magique des industriels, des dirigeants, des politiques, elle est aussi au fond de chacun de nous. A nous de l’exploiter.
Si tu dois donner quelques conseils à tes 3,5 millions d’ « amis », lesquels seraient-ils ?
Au sujet de conseils pratiques, je fais une promesse solennelle dans mon livre, il faudra donc lire quelques pages pour la découvrir !
Mais peut être un conseil qui concerne tout le monde car comme le dit si bien Thomas Vilcot, directeur recrutement Casino, « nous sommes tous des candidats passés ou en devenir ! »
Un adage populaire dit : La curiosité est un vilain défaut ! Je ne le crois pas, et il ne le faut surtout pas. Au contraire, nous devons tous et à tout moment nous informer de l’évolution de nos marchés mais aussi du marché du travail, faire de la veille : c’est essentiel, crucial, indispensable.
Le but : rester employable. L’employabilité, c’est un mot très tendance RH, mais il est cependant majeur dans le parcours de tous. L’employabilité, c’est évoluer avec son temps, c’est être informé des nouveautés, des actions de la concurrence, tous les secteurs, tous les métiers sont concernés. Cela impose de lire, de fouiller, de décrypter. Chacun devient alors « l’investigateur –reporter » de son propre avenir.
C’est un engagement personnel nécessaire à tous les échelons de l’entreprise et du parcours. Pour réussir, trouver son emploi, le garder, il faut avoir la volonté d’apprendre et de performer.
Nous sommes tous responsables de notre parcours professionnel et de ceux qui font notre réussite.Vous êtes journaliste et écrivain spécialisé dans l’emploi. Quel a été pour vous l’événement marquant de cette année dans le monde du recrutement ?
Le non inversement de la courbe du chômage, résultat dramatique des mesures homéopathiques prises par nos politiques pour les dirigeants de PME…
Il est en effet, impossible pour eux et avec si peu d’actions structurelles de mener à bien de vraies politiques de recrutement, de travailler sur la formation des jeunes, sur le maintien des seniors … alors avoir en plus une politique de diversité et d’égalité des chances à haute ampleur ou à défaut avoir une politique de diversité et égalité tout court, c’est peu probable. J’y vais certes un peu fort, je vous l’accorde. Mais où sont les vraies mesures, qui correspondent à notre époque, à nos dirigeants, à nos salariés, à notre jeunesse et enfin à nos conditions d’aujourd’hui ? Mais où est notre Léon Blum ? L’obsolescence du marché du travail est criante en 2014.
Je sais que beaucoup de dirigeants se battent pour ces améliorations, voire des innovations managériales. Nombreux travaillent sur ces sujets de fond, ils gagnent même petit à petit les étapes, quelques parties. Mais à quel prix ? Quelle énergie nécessaire pour des résultats qui font en plus sourire certain, le comble ?
J’aurais tellement aimé vous dire, j’ai adoré :
- La fiche de paie à 4 lignes
- Le contrat unique de travail : la fin du CDD, du CDI, contrat d’apprentissage, contrat de professionnalisation mais un seul et même contrat pour tous !
Je me permets de vous donner ma définition du mot recrutement :
Recruter : C’est le partage de compétences pour un temps donné et une action commune de réussite. Des Hommes et des Femmes, ensemble pour leur développement et celui de l’entreprise.
Quels sont vos projets ? D’autres livres ?
Alors assez nombreux, car toute cette aventure, expérience m’a permis d’aller vraiment plus loin, mais aussi de passer des caps que je ne pensais pas franchir, ou que je n’avais même pas envisagés.
J’ai une chronique tous les matins sur l’emploi sur Lyon 1ere, 90.2, j’ai des invités et nous parlons emploi, solutions, avenir.
Je suis également contributrice sur le blog de Frédéric Lesaulnier, Revolution RH, blog formidable sur l’emploi, le management.
Avec mon éditeur Denis Tardy (EMCC LIVRES), nous travaillons avec un autre co-auteur sur la rédaction d’un livre sur les grands hommes de Rhône-Alpes qui ont fait la grande distribution et le commerce. Il s’agira de voir comment ces hommes et ces femmes ont construit des entreprises qui n’ont été que très peu affectées par les crises successives ! Une sorte de livre que l’on pose sur le bureau et que l’on consulte tous les jours…
J’anime des débats emploi, c’est une vraie passion, j’adore cela, faire échanger, faire se rencontrer.
Je travaille également sur un projet de laboratoire de l’emploi, je croise les doigts pour que ce projet se concrétise rapidement.
Et tout comme mes 3,5 millions d’amis, je continue à postuler à des offres d’emploi où sont mentionnées les noms des recruteurs, l’entreprise, les missions et les souhaits des dirigeants.
Je poursuis mes engagements au CJD, car sans eux j’aurais vraiment craqué je pense. C’est une formidable école du dirigeant. Dans le livre, je dis qu’ils sont mon souffle, ma colonne vertébrale, c’est tellement vrai, ils m’aident à chaque étape.
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