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Ce 2 avril aura lieu la journée mondiale de sensibilisation à l’autisme. Une journée dont le but est d’informer le grand public sur les réalités du spectre autistique. Cette année encore, Anne Cossé, auteure de « Et si VOUS étiez autiste ? », a bien voulu répondre à nos questions et nous parler un peu plus de son livre et de ses projets.

Dites-nous en plus sur vous.

J’ai 58 ans. Je suis née en France, mais avec de la famille et un vécu dans de nombreux pays. J’ai suivi une double formation ingénieur et business. J’ai ensuite travaillé dans la banque d’affaires et les systèmes d’information pour le monde de la finance, en France, en Asie et aux Etats-Unis.

A 40 ans j’ai complètement changé de vie. Par la suite, j’ai évolué dans le domaine du bien-être, plus précisément l’acupression. Après avoir écrit plusieurs livres, j’alimente désormais un site de référence sur le sujet. Depuis quelques années, je gère en plus ma boutique en ligne.

J’ai compris tard, à 52 ans, que ma différence profonde c’était l’autisme Asperger. J’ai entamé une démarche de diagnostic officiel pour en avoir le cœur net. Après de longs mois d’évaluation, la conclusion est tombée, sans aucune ambiguïté.

Depuis, la neurodiversité, en particulier l’autisme Asperger, est un de mes intérêts spéciaux.

Vous avez sorti un livre « Et si VOUS étiez autiste ? », pouvez-vous nous en parler un peu plus ?

Pour un adulte qui se sent très différent, a des capacités particulières et rencontre nombre de difficultés, découvrir qu’il est possible qu’il soit sur le spectre est une vraie révélation. Un tsunami à digérer, mais LA clé qu’il/elle cherche depuis si longtemps. Interagir avec des adultes autistes, approfondir le sujet, sont ensuite une étape essentielle pour confirmer ou infirmer cette intuition. Les autistes diagnostiqués tard dans la vie vivent cette phase comme un soulagement. Nous comprenons enfin qui nous sommes, et surtout que nous ne sommes pas seuls.

J’ai voulu aider ces adultes en rassemblant dans un livre de nombreux témoignages d’adultes autistes. Ils sont d’âge et d’origine sociale et culturelle différents. Ils parlent de leur enfance, de leur parcours adulte, de leurs goûts, de leur vie. Ils évoquent aussi leur rapport au diagnostic, de son importance ou pas, des avantages et inconvénients de le dévoiler. Cela va du quotidien à l’intime. J’ai pensé le questionnaire en fonction de ce qui me paraît important d’évoquer. J’y ai ajouté des chapitres sur des thèmes propres au spectre et les informations à savoir sur le paradigme de la neurodiversité.

Le but de ce livre est d’aider les adultes atypiques à reconnaître s’ils sont sur le spectre. Il aide aussi les neurotypiques concernés par le sujet à mieux nous comprendre de l’intérieur.

Vous avez également créé un blog sur l’autisme positif. Qu’est-ce que c’est ?

L’autisme positif, c’est la mise en avant des aspects positifs du câblage autistique.

Certains aspects de l’autisme sont handicapants. La plupart du temps du fait de l’environnement quand il n’est pas adapté aux besoins simples des autistes.

Cependant, le câblage autistique est aussi source de talents, de créativité, de joie. Notre hypersensibilité, notre cognitivité particulière génèrent des expériences intellectuelles et sensorielles extraordinaires. Elles sont même à la source de grandes évolutions dans le monde. Une grande partie des avancements majeurs en technologie et bien d’autres domaines ont été pensés par des autistes. J’ai d’ailleurs travaillé sur une liste d’autistes célèbres et sa lecture se passe de commentaires. Vous pouvez d’ailleurs la trouver sur mon blog !

Or, dans la société, il n’est fait référence qu’aux aspects négatifs de l’autisme : le handicap, les souffrances, les problèmes des autistes et de leurs proches. Avec mon blog, je souhaite mettre la lumière sur les aspects positifs. L’objectif ? Contrebalancer, mieux éduquer les neurotypiques sur le sujet, et lutter contre les clichés.

Mon but est également de renforcer l’estime de soi des autistes qui me lisent. On leur répète sans relâche qu’ils sont handicapés, diminués, etc. Il faudrait davantage leur parler de leurs talents, et c’est ce que je tente de faire par ce blog. Vous y trouverez :

  • Des portraits d’autistes de tous les jours et de leurs accomplissements ;
  • Des ressources, des réflexions, interrogations ;
  • Mes coups de cœur et coups de gueule et des anecdotes de ma vie quotidienne.

Je dévoile ainsi un quotidien concret et j’ouvre la porte sur le mode de pensée autistique, pour mieux le comprendre.

Vous avez également lancé un Café Asperger dans votre ville, quel est le principe ?

Les Cafés Asperger existent dans plusieurs villes en France et se multiplient. Il s’agit de rencontres régulières entre autistes Asperger adultes, autour d’un café. Entre nous. Nous ne masquons pas, nous nous comportons comme des autistes. Nous échangeons sur notre vie quotidienne, nous rions, nous buvons un verre, nous passons un bon moment.

J’ai donc voulu en créer dans la ville où je vis. La presse locale s’est fait l’écho de ce projet. J’ai été contactée par plusieurs Asperger des environs. Nous nous sommes réunis pour la première fois en février dernier, et c’est une réussite ! J’en suis très heureuse. Je ressors de ces rencontres en pleine forme mentale et je crois que c’est partagé. Nous avons plein d’idées d’activités en-dehors de ces rencontres bimensuelles.

Quels sont vos projets pour l’avenir ?

Comme toujours, j’ai mille projets dans ma besace…

Le développement du Café Asperger prend de l’ampleur. Idéalement, j’aimerais pouvoir organiser des ateliers et sorties réservés aux autistes. J’ai commencé à en parler à des acteurs de la Ville. Je pense même créer un GEM (Groupement d’Entraide Mutuelle), ce qui nous apporterait de l’aide organisationnelle et financière.

En parallèle, j’avance sur mon projet de vêtements et accessoires. J’ai cette phrase en tête que j’adore, qui s’applique à tant d’autistes, de neurodivergents et qui parle aussi à de nombreux neurotypiques. Elle sera sur tous les articles. Le design est prêt, il n’y a plus qu’à ! Mon objectif est que cette ligne soit clairement associée à l’univers de l’autisme positif, via ma marque par exemple. Néanmoins, elle ne sera pas réservée aux autistes, elle parlera à tous, de façon universelle.

Enfin, je mature, je décante sur la forme de mon prochain livre. J’ai la trame. J’aimerais qu’il soit pratique. C’est finalement ma marque de fabrique : transmettre des informations qui apportent des solutions. Sur le fond, ce sera une compilation de toutes les techniques que j’ai appliquées au long de ma vie. Celles qui m’ont permis d’avoir plusieurs vies en une seule. Cela rejoint la cause que je porte : mettre en avant et développer nos talents si spéciaux, tout en gérant nos difficultés pour qu’elles ne prennent pas le pas.

Avez-vous envie de faire passer un message à nos lecteurs ?

L’autisme est un câblage, un système d’opération comme iOS, Windows ou Android. Il est à la racine de nos modes de pensées et de nos comportements.

Mais nous ne sommes pas définis QUE par ce câblage. Comme un smartphone, si je poursuis l’analogie, nous avons des fonctionnalités : des compétences, des traits de caractère, des aptitudes propres, etc. Comme les applis, si vous voulez. C’est ce qui fait notre diversité, notre richesse, comme tous les êtres humains. Lorsque vous interagissez avec une personne autiste, ne vous focalisez pas QUE sur le fait qu’il/elle est autiste !

En cette veille de journée mondiale, quel est le chemin encore à parcourir pour briser les préjugés sur l’autisme ? Quels sont les plus courants auxquels vous êtes confrontée ?

Déjà, l’autisme est un vaste spectre. Nous sommes tous uniques. Il faudrait arrêter de penser soit « enfant qui se cogne la tête contre les murs » soit « Dustin Hoffman dans Rain Man ». Les médias ont un grand rôle à jouer dans ce domaine. Ainsi que les scénaristes de séries TV et films. Je me demande s’il ne faudrait pas sensibiliser les citoyens dès le lycée, comme nous le faisons sur d’autres sujets. J’imagine ça sous la forme d’une intervention ponctuelle en classe, avec questions-réponses. Et bien sûr, réalisée par des autistes afin d’éviter de propager des clichés.

Une autre idée reçue est qu’être autiste, ça se voit. Les Asperger entendent « mais, vous n’avez pas l’air autiste ! ». 80 % des handicaps sont invisibles. De plus, l’autisme est un câblage interne, donc par définition il ne se voit pas.

Il résulte de ce câblage des comportements particuliers, certes, des difficultés, mais qui, avec de l’entraînement, se compensent. Je ne parle pas d’ABA. Je suis totalement contre l’ABA, qui est une technique de dressage génératrice de stress intense pour les autistes qui la subissent. Je parle d’apprentissage de décryptage du monde neurotypique et d’adaptation.

Par exemple, je suis autiste, mais j’ai un parcours professionnel et personnel riche et intense, de nombreux voyages, métiers, etc. Ce qui ne se voit pas, c’est le prix que j’ai payé pour l’accomplir : une douzaine de dépressions et un burn-out. Je communique beaucoup, depuis longtemps et réalise des formations en entreprise, des conférences, sans parler de mes blogs et mes livres.

Ce qui ne se voit pas, ce sont les décennies d’apprentissage, les formations certifiantes que j’ai suivies, pour comprendre et me faire comprendre. Donc oui, ça ne se voit pas du premier coup d’œil que nous sommes autistes, mais c’est le résultat d’un travail permanent de sur-adaptation.

Enfin, ce n’est pas parce que nous sommes adultes et/ou sans déficience intellectuelle voire avec un QI élevé que nous n’avons pas besoin d’aide. Nous en avons besoin, pour les « petites » choses de la vie courante. Elles sont petites pour vous, ce sont des montagnes pour nous : les courses, le rangement, la paperasse, les appels téléphoniques, sont source de souffrance. Exemple : je peux analyser et synthétiser des tonnes d’informations complexes en un temps record. Néanmoins, je suis tétanisée à chaque fois que je dois aller faire le plein, laver ma voiture, ou déposer un colis dans un Bureau de Poste…

Pour le reste, s’il n’y avait qu’une seule mesure à mettre en place, ce serait la suivante : experts, familles, médecins, employeurs, collègues, journalistes, élus, fonctionnaires : écoutez les autistes eux-mêmes ! Les autistes Asperger ont l’avantage de pouvoir analyser l’autisme et communiquer. Profitez-en. Ne décidez pas à notre place de ce qui nous concerne directement.

Merci Anne d’avoir répondu, à nouveau, à nos questions et nous en avoir appris plus sur le spectre autistique. Vous aussi, vous êtes concerné et souhaitez réagir ? Nous vous laissons la parole sur nos réseaux sociaux.

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