Nous accueillons dans nos pages Thomas Vilcot, Directeur des Relations Humaines pour la branche « proximité » du Groupe Casino et auteur d’un blog RH. Il nous donne quelques conseils pour réussir au mieux son entretien annuel.
Il faut bien s’entretenir
L’entretien est un art aussi ancien que le management lui-même. Entretien d’embauche, entretien de délégation, entretien de valorisation ou de recadrage, entretien disciplinaire… et bien entendu entretien annuel : les formules d’entretien ne manquent pas.
Vous avez dit entretien annuel ?
Entretien annuel : le mot est lâché, et semble posséder comme un charme délicieusement désuet, une saveur d’autrefois. Aux dires de certains, il semblerait même avoir pris la poussière, être comme tombé en disgrâce, rangé au fond d’un tiroir ou remisé dans une vieille penderie. Mis au placard en quelque sorte – l’entretien annuel, pas le collaborateur !
Pourtant, « ancien » ne veut pas dire « dépassé », loin s’en faut. Comme le veut d’ailleurs le célèbre adage, « c’est dans les vieux pots que l’on fait les meilleures recettes ». A condition, nous allons le voir, de suivre quelques principes de bon sens.
En commençant déjà, mesdames et messieurs les managers d’équipe, par cesser de le percevoir comme une tâche chronophage. Un événement qui reviendrait chaque année jeter avec gourmandise son dévolu sur votre agenda déjà contraint – pour ne pas dire plus. Toute ressemblance avec des situations ayant réellement existé ne serait pas purement fortuite !
Mais au fait, de quoi parle-t-on ?
Ici on le qualifie d’entretien d’évaluation, là d’entretien d’appréciation. On parle aussi de bilan annuel, de revue de performance : les appellations varient, sans qu’aucune ne semble faire l’unanimité.
J’accompagne au quotidien des équipes de 5 à 120 personnes depuis plus de quinze ans, et je n’ai pas trouvé de meilleure définition pour ce temps managérial privilégié que celui de temps de rencontre et d’échange.
Pour justement prendre le temps – presque un gros mot ! – de s’écouter, de se dire les choses, de se projeter.
D’oser sortir du quotidien pour réfléchir au chemin parcouru, et envisager avec ses collaborateurs le vaste champ des possibles.
Grandir ensemble, c’est tout !
J’ai en effet cette profonde conviction que le rôle de tout manager d’équipe est de faire grandir les équipes qui lui sont confiées. Et ainsi de regarder, parfois quelques années plus tard, avec une certaine fierté ce que sont devenus ses collaborateurs.
Faire grandir, revêt des dimensions et sens multiples pour chacun :
- Accompagner – former, transmettre, mettre en situation de responsabilité progressive, donner le droit à l’erreur…
- Promouvoir – vers une autre fonction de l’entreprise, un niveau hiérarchique plus élevé…
- Mais aussi plus modestement remettre à niveau un collaborateur en difficulté dans sa fonction actuelle
Dans tous les cas, l’entretien annuel va permettre de dresser un état des lieux personnalisé, le plus factuel et objectif possible, et de valider un projet commun dans lequel on se projettera dès la fin de l’entretien. Il est la base de tout.
Mes 5 incontournables
Il serait immensément présomptueux voire carrément prétentieux de vouloir dresser un « mode d’emploi » exhaustif sur le sujet de la conduite de l’entretien annuel. Il y a déjà beaucoup d’écrits existants, pour certains aussi anciens que l’entretien annuel lui-même.
Je me contenterai donc de partager ici mes 5 principes clés. Pas un de plus, promis. Ils sont issus de ma pratique personnelle. En comptant bien, un peu plus de 200 entretiens. Un bon début pour en parler.
- Si l’entretien avait une forme, ce serait sans doute celle d’un losange : avec une première phase d’ouverture et d’écoute active – questions ouvertes puisque c’est l’entretien de votre collaborateur – , puis une phase de validation de la vision commune – performance, compétences, projet – , puis une dernière phase consacrée à l’élaboration en commun du plan d’action. Apprenez donc à vous méfier de l’entretien en forme de ligne droite – le manager émet, le collaborateur écoute sans dire mot – ou de l’entretien en forme de triangle sans base -le collaborateur parle sans interruption pendant 1h30… Dans ces 2 cas, très inconfortables, pensez à revoir votre façon de procéder.
- C’est l’entretien de votre collaborateur et pas celui d’un autre : personnalisez votre préparation, votre propos, votre façon de faire. Car si c’est l’entretien de votre collaborateur, c’est toutefois vous qui le menez : respect du timing, des étapes, du livrable en fin d’entretien.
- Objectivez, factualisez ! Sortez des opinions, de l’à peu près, des jugements de valeur non étayés qui risquent fort de vous conduire dans un débat stérile d’idées et de positions. Appuyez-vous plutôt sur les réalisations marquantes, les dossiers menés à bien – ou moins bien – par votre collaborateur, dont vous aurez assuré une traçabilité tout au long de l’année.
- L’avant-entretien et l’après entretien sont tout aussi importants que l’entretien lui-même, comme l’entrainement et le débriefing vidéo le seraient pour une rencontre sportive. Préparez-vous tous les deux, puis suivez ensemble dans le temps les plans d’action définis, au besoin avec des étapes intermédiaires. Votre crédibilité de manager est à ce prix. Rien de pire qu’une formation promise non réalisée, qu’une évolution validée et jamais suivie des faits… Pensez à faire le lien avec les acteurs du projet : N+2, équipe RH…
- Sachez prendre position. Prendre position, c’est savoir dire « merci » et « bravo ». C’est sortir du confortable « on » pour oser le « je ». C’est savoir reconnaître et valoriser la juste performance. C’est aussi savoir dire ce qui ne va pas, ce qui peut être amélioré. C’est donner du sens, dire à son collaborateur pourquoi il compte dans l’équipe, le repositionner si nécessaire, et se projeter ensemble dans la durée. C’est donner du feedback. J’ai toujours en tête cette image du joueur de bowling dont la boule passerait sous un mur, mais ne lui permettrait jamais de connaître le nombre de quilles touchées. Absence de retour sur la performance, l’efficacité du geste : très vite la lassitude s’emparerait de ce joueur-là. Pensez-y.
Une démarche de progrès continu
Tout comme vous invitez votre collaborateur à progresser, sachez aussi progresser vous-même dans la conduite de vos entretiens, dans le temps et avec le temps.
Un entretien annuel réussi permet de replacer la relation managériale sur un terrain serein et apaisé, qu’il vous appartiendra d’entretenir tout au long de l’année.
C’est un des piliers d’un management plus responsable, d’un management bienveillant.
Et de vous à moi, cela mérite bien que nous y consacrions le temps nécessaire. Comme on le ferait pour un précieux investissement.
A propos de Thomas Vilcot : Thomas Vilcot est actuellement Directeur des Relations Humaines de la branche Proximité du Groupe Casino – 7 500 points de vente. Il a précédemment occupé des fonctions de Directeur de centre de profit, Responsable Ressources Humaines, Directeur du Développement RH puis Directeur du Recrutement Groupe. Il préside un CFA de l’enseignement supérieur de 2 600 apprentis et enseigne le management d’équipes dans différentes Universités et Grandes Ecoles. Il est l’auteur de l’ouvrage « le recrutement responsable : pour ré-enchanter la relation candidats-entreprises » (Afnor Editions, Avril 2013). Il anime un blog RH, Emploi et Recrutement.
Et vous, quels conseils donneriez-vous pour réussir un entretien annuel ?
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