Maladie gynécologique encore méconnue bien que fréquente, l’endométriose toucherait, selon les études, 180 millions de femmes dans le monde. Devenue un problème majeur de santé publique, les préjugés face à cette maladie s’effacent progressivement, mais restent bien présents. Talentéo est allé à la rencontre d’Elisa, une jeune femme concernée par l’endométriose.
Alors que se tenait ce week-end la journée mondiale contre l’endométriose, nous vous proposons de (re)découvrir ce témoignage authentique pour mieux cerner le quotidien des personnes touchées.
Pouvez-vous vous présenter et présenter votre parcours ?
Je m’appelle Elisa et je suis présidente et fondatrice de l’association Les Elégantes Courbes, bénévole depuis la création en mars 2018. Mon parcours est un peu banal au départ. Mère au foyer pendant exclusivement 12 ans, maman comblée de 4 enfants, je participe à des activités bénévoles depuis plusieurs années. En 2016, je me lance dans des projets qui me permettent une meilleure acceptation de moi : élection de miss, casting, shooting photos, défilés de mode, mais aussi association de lutte contre des maladies, notamment l’endométriose, dont je suis atteinte. Les causes du bien-être et de l’acceptation de la femme quelle que soit sa corpulence, me tiennent à cœur.
Suite à de nombreux soucis de santé, et mes 4 grossesses, le poids s’est installé au fil des années, et les multiples restrictions de régimes n’ont fait qu’empirer la situation. Le fait de défiler m’a permise de mieux accepter ce corps, de ne plus lui « faire la guerre », le laisser enfin en paix, et apprendre à vivre avec.
C’est fou le nombre de choses qu’on peut avoir envie de faire une fois qu’on a compris et passer ce cap ! Combattre à mon niveau les dicktats de la société, de la mode actuelle, montrer au plus grand nombre qu’il est aussi « normal » de ne pas faire un 34, telle est ma nouvelle devise. Aider d’autres femmes à passer un cap, comme pour moi, est un plaisir. En organisant des défilés de mode sans critères, bénévolement, dans un état d’esprit d’entre-aide, de joie et de bonne humeur, sans esprit de compétition, en valorisant chacune et chacun, on va de l’avant, on positive. Souriez à la vie, vivez, quel que soit votre corpulence, et avancez avec les personnes positives !
Vous êtes atteinte d’endométriose, pouvez-vous nous expliquer quelles difficultés vous rencontrez au quotidien ?
J’ai un long et lourd parcours de douleurs derrière moi. Agée maintenant de 36 ans, mon corps a toujours été une souffrance au quotidien. J’ai la chance d’avoir eu 4 enfants. Chance et difficulté car c’est un long parcours avant et c’est une grande fatigue et un grand sacrifice de soi après. Je m’explique, quand on est atteinte d’endométriose, on passe de nombreuses années comme moi, à être dans l’incertitude de ce qu’on a, des années à s’entendre dire que c’est dans notre tête, des années à souffrir sans être prise au sérieux.
Malgré cela, j’ai poursuivi mes projets, avec des douleurs et une fatigue chronique extrême, à peine âgée de 20 ans. J’ai eu la chance d’avoir mes deux premiers enfants naturellement avant que la maladie ne bouche les trompes, et ce pendant que les médecins continuaient à me certifier que je n’avais rien, que c’était psychologique si je n’arrivais pas à retomber enceinte. Lorsqu’enfin un spécialiste m’a détecté la maladie, et m’a opéré pour « nettoyer » comme il m’a dit, ce fût un soulagement de pouvoir mettre des mots sur ces souffrances. Mais cela ne résolvait rien en soi, car être opérée ne GUERIT pas, cela soulage un temps, trois mois dans mon cas, avant de recommencer…
Tout ceci est mon quotidien. Sans compter le fait que vous n’avez pas de vie sociale, car vous devez toujours annuler à la dernière minute, et que peu le comprenne. La fibromylagie fait aussi partie des effets secondaires de la maladie qui a débuté pour moi il y a environ 6 ans.
Mais l’amour pour nos enfants est capable de beaucoup ! On devient une Warrior, prête à endurer les douleurs quotidiennes sans réel soulagement de la part du corps médical, aussi démuni que nous. Je suis néanmoins, de par ma situation maritale et nos nombreux déménagements, restée concentrer sur l’éducation de mes enfants, préférant garder le peu d’énergie que j’avais pour eux.
Quel suivi et traitements médicaux existent-ils ?
Les projets bébés ont suivi, parcours FIV avec traitement d’hormones, fatigue supplémentaire. Pas d’accompagnement particulier, je suis seule à vivre tout cela, et à gérer mes émotions, mes changements d’humeurs et mes prises de poids dues aux hormones etc. Pendant ce temps-là, je dois aussi m’occuper de mes 2 premiers. Pendant 10 ans, les projets bébé étant là, les médecins se concentrent sur ça, et font de leur mieux pour que la maladie soit mise à peu près en veille, le temps que les grossesses et le parcours médical se fassent. Je précise « à peu près », car ni les opérations, ni les grossesses ne m’ont réellement soulagée. J’avais des douleurs des « crises » intestinales très difficiles à vivre, de la fatigue, des prises de poids importantes.
Une fois les grossesses terminées, les déménagements se succèdent, donc encore plus de difficulté à trouver un gynécologue compétent qui veuille vous suivre. Encore quelques années d’errance, et plusieurs traitements médicaux et phytothérapiques essayés : j’ai l’impression d’être un COBAYE depuis 10 ans. Lorsque vous avez votre parcours de grossesses derrière vous, vous êtes « lâchée » par certains du corps médical, qui considèrent qu’ils ne sont utiles que pour les femmes atteintes d’endométriose et souhaitant avoir des enfants. Beaucoup d’aprioris, de la part du corps médical, de la famille, des amis, sont présents : « traiter une femme atteinte d’endométriose, ce n’est que traiter sa stérilité ».
On ne s’occupe que de la maladie en elle-même, mais pas forcément de tout ce qu’elle provoque autour : les adhérences entre les organes qui appuient sur les nerfs, les organes qui gonflent quand ça s’enflamme, qui provoque des paralysies passagères, mais handicapantes, les crises intestinales. Vous passez des heures aux wc, en sueurs, avec des nausées et des diarrhées abondantes. Des douleurs qui vous transpercent comme des poignards, des hémorragies à chaque règles, tellement importantes que vous mettez en permanence des couches d’accouchement, des fatigues tellement extrêmes et quotidiennes que le moindre geste vous demande un effort surhumain etc.
Faites-vous face à des préjugés liés à la méconnaissance de cette maladie ? Si oui, lesquelles ?
Jusqu’à maintenant, étant donné que je n’avais pas une vie sociale très remplie à cause la maladie, on va dire que par défaut non. Les seuls préjugés ont été face aux divers médecins que j’ai pu rencontrer. On s’en lasse très vite, et ça mine beaucoup le moral. Depuis quelques années, la maladie sort plus de l’ombre qu’au début de mon parcours, donc quand on en parle de plus en plus de monde savent déjà de quoi il s’agit ou en a déjà entendu parler.
L’endométriose a-t-elle eu un impact sur votre vie professionnelle ? Si oui comment ?
Lorsque j’ai voulu reprendre une activité professionnelle, le fait de ne pas avoir eu d’expérience ou d’études m’a pénalisée. Je recherche encore actuellement du travail, après 2 ans de recherche non stop et seulement un CDD de 4 mois.
Je ne parlais pas de ma maladie, donc je ne peux pas réellement dire que cela a été un frein, mais c’est un tout. Comme je l’ai expliqué précédemment, ayant eu 4 enfants, et un long parcours médical, j’ai gardé mon énergie pour élever et prendre soin de mes petits. Physiquement je ne pouvais pas plus. Donc oui, la maladie est en soit un frein dans la gestion du quotidien, et par là même de l’emploi. Maintenant qu’ils sont plus grands et se gèrent tous seuls, je souhaite reprendre une activité, à mi-temps serait l’idéal pour continuer à avoir de l’énergie pour tout.
De plus, le fait d’avoir été isolée du monde du travail et social aussi longtemps ne m’a pas permis de connaitre mes droits en matière de travail. En effet, pendant mon CDD, j’ai appris que je pouvais faire une demande de RQTH, chose que je ne savais absolument pas, et que j’ai appris bien tard, à 35 ans, après 4 années de recherche de travail ! J’ai donc, début 2019, fait cette demande, qui a été acceptée en juin dernier. Un grand pas pour moi, et une belle reconnaissance ! J’espère de tout cœur que cela va maintenant m’aider dans ma recherche d’emploi.
Encore une fois, on voit la défaillance du côté médical, qui ne va pas forcément vous orienter comme il faut.
Vous organisez des groupes de parole autour de l’endométriose, pouvez-vous nous expliquer le principe ?
Je ne fais partie d’aucune association sur l’endométriose à l’heure actuelle. Je l’ai été, mais j’ai arrêté par manque de temps essentiellement à cause de mon autre association. Mais je continue dès que c’est possible à organiser des réunions de paroles, entre femmes atteintes d’endométriose, ou jeunes femmes souhaitant avoir une écoute, un échange de parcours. Les proches sont les bienvenus.
Le principe est simple : chacune raconte son parcours, on l’écoute dans un esprit bienveillant, et ça fait déjà beaucoup de bien. Nous ne sommes pas médecins, nous ne sommes pas là pour donner des conseils ou des directives médicales, mais chacune parle de son vécu, de ses galères médicales etc.
En parallèle, vous souhaitez apporter un nouveau regard sur la mode et vous avez crée une association « Les élégantes Courbes ». Pouvez-vous nous expliquer le principe ?
En 2018, j’ai choisi de concentrer mon combat sur l’acceptation de soi , de son corps, car pour moi, cela englobait bien mon combat personnel contre la maladie, les prises de poids et le moral pas toujours au beau fixe. L’association Les Elégantes Courbes a été créée dans le but de valoriser toutes les morphologies. Toutes les femmes sont les bienvenues, qu’elles soient petites, grandes, minces, rondes, handicapées, etc.
Le handicap fait aussi partie de la vie de beaucoup de nos adhérentes, handicap physique ou invisible. Le fait de pouvoir s’évader, penser à autre chose, se sentir belle, et se voir autrement, se pomponner, le temps d’un défilé, c’est très bénéfique, et c’est cela qu’on recherche.
Quels sont vos prochains projets ?
Pour le côté associatif : continuer à organiser les prochains défilés qui arrivent et qui sont nombreux ! Organiser tout ceci de manière bénévole et en gérant aussi ma vie personnelle à côté.
Au niveau professionnel : trouver un emploi !
Et pour finir personnellement : me lancer de nouveaux défis, et continuer dans le travail de ma confiance en moi, et prendre plus soin de moi. Le prochain projet et le happening organisé par Georgia Stein sur PARIS en septembre, un défilé bodypositiv qui rentre bien dans ce que je fais depuis 3 ans.
Quel message souhaitez-vous passer à nos lecteurs/lectrices ?
Travaillez sur votre acceptation de vous-même, malgré vos maladies, vos combats quotidiens, soyez fiers de vos parcours ! On est tous différents mais au final on est tous humain et on se ressemble tous bien plus que l’on croit !
Merci Elisa pour ce témoignage ! Vous êtes atteinte d’endométriose ou vous travaillez avec une collègue concernée par cette maladie ? La parole est à vous sur nos plateformes sociales et n’hésitez pas à partager cet article pour sensibiliser votre entourage.
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