Talentéo continue à mettre en avant de beaux parcours professionnels. Alors que s’est récemment achevée la Cop 21, nous avons rencontré Gilles Ramstein, climatologue au CEA. Il nous en dit plus sur sa conciliation entre ses travaux de recherche et son handicap.
Pouvez-vous vous présenter ainsi que votre parcours ?
Je suis Gilles Ramstein, 56 ans, directeur de recherche au CEA et j’ai été responsable des thématiques portant sur le climat au LSCE (Laboratoire des Sciences du Climat et de l’Environnement unité mixte CEA-CNRS-UVSQ). J’ai toujours fait de la recherche, c’est une activité qui me passionne au quotidien. Je suis spécialisé dans l’étude des climats passés mais aussi futurs. Aujourd’hui, la majorité des climatologues étudie le XXIème siècle. De mon côté je m’intéresse aux périodes du passé très lointain jusqu’à aujourd’hui mais aussi au devenir des calottes de glace pendant, après le XXIème siècle et pour les siècles suivants. Cela fait maintenant 23 ans que je travaille dans ce domaine !
Auparavant, j’étais ingénieur en physique nucléaire, déjà au CEA. Je travaillais sur les cavités supraconductrices pour l’accélération d’ions lourds. C’est après une rencontre avec Jean Jouzel, qui créait alors un groupe sur la modélisation du climat, que j’ai changé de domaine. Ce qui m’intéresse dans cette approche, c’est sa pluridisciplinarité. Je suis amené à travailler avec de nombreux spécialistes de tout horizon, ce qui constitue une véritable richesse.
Quel a été votre parcours ? Votre handicap a-t-il déjà été un frein ?
Ma passion pour la recherche a débuté alors que j’étais très jeune. Après une école d’ingénieur et un DEA en physique nucléaire, je suis entré au CEA qui m’a proposé une thèse sur les cavités supraconductrices. C’était pour moi une opportunité de faire ce que j’aime !
Mon handicap s’est déclaré durant mon enfance. C’est en regardant dans une lunette d’astronomie que je me suis rendu compte que je souffrais de troubles de la vision. Au départ, ceux-ci ne concernaient que ma vision nocturne.
A 20 ans, cela n’était pas visible par mon entourage. De mon côté j’évitais simplement de conduire de nuit et je n’étais pas à l’aise dans les tunnels. A 30 ans, cela commençait à être perceptible, ma vue diminuait progressivement. A 40 ans, mon champ visuel était plus altéré et j’utilisais des stratégies de compensation pour me déplacer, par exemple, en suivant les personnes qui portaient des vêtements de couleur contrastée.
Quelles sont les compensations qui ont été mises en place ?
Il faut bien distinguer les compensations des aménagements. J’ai dû m’adapter à mon handicap, j’écoute maintenant prioritairement les articles au lieu de les lire. J’utilise une synthèse vocale pour les assimiler.
Avec une bonne maîtrise, j’écoute et j’assimile beaucoup plus vite. Pour les conférences que je donne, j’apprends la totalité de leurs contenus par cœur, si bien qu’il est très difficile de se rendre compte de mes problèmes de vue.
De son côté, le CEA a mis à ma disposition une assistante qui est indispensable pour mener à bien toutes mes activités. Je dispose également d’un agrandisseur d’écran pour mon ordinateur qui me permet de projeter les documents en écriture blanche sur fond noir ce qui restitue un contraste qui me permet de lire. Lorsque je dois me déplacer, comme c’est le cas pour de nombreux congrès, les frais de mes accompagnateurs sont pris en charge. De plus pour des trajets locaux quand c’est nécessaire, un accord entre le CEA et une compagnie de taxi me permet de ne pas avancer les frais.
Tout cela m’enlève des contraintes et me permet de continuer mes recherches !
Quels sont vos sujets de recherche ?
Depuis 20 ans, je travaille avec des étudiants en thèse, cela me permet à la fois de les former et de développer de nouvelles thématiques. Je travaille particulièrement sur les climats passés et à venir. Mes travaux s’axent toujours sur une certaine diversité de sujet : je suis nomade dans le temps. J’ai publié récemment chez Odile Jacob un livre qui retrace ce parcours : « Voyage à travers les climats de la Terre ».
Par exemple, en ce moment, j’étudie avec une étudiante la glaciation du Groenland. Ce dernier a été recouvert de glace il n’y a « que » 3 millions d’années alors que l’Antarctique l’est depuis 34 millions d’années. L’objectif de cette étude est de comprendre ce qui a conduit à ce très lent refroidissement.
J’ai contribué à montrer la diversité des climats de la Terre dans un beau livre intitulé « La glace et le ciel ». Ce livre associé au film de Luc Jacquet, qui porte le même nom, retrace le parcours du glaciologue Claude Lorius.
J’ai également profité de la Cop 21 pour donner une série de conférences axées sur la diversité des climats de la Terre depuis 4 milliards d’années. En effet, nous allons malheureusement avoir de plus en plus de problèmes environnementaux dans les années à venir. Il est pour moi important que les scientifiques donnent l’alerte aux personnalités politiques et sensibilisent le grand public.
Quel message souhaitez-vous passer à nos lecteurs en situation de handicap ?
Je pense qu’il est important de ne jamais renoncer à ses ambitions à cause du handicap. Il existe aujourd’hui de nombreuses aides pour pallier le handicap et il ne faut pas s’entêter à faire sans.
Par contre, il est crucial de s’organiser pour pouvoir compenser la perte d’autonomie qu’entraîne nécessairement le handicap. En résumé : Ce qui est important c’est de mobiliser son énergie pour atteindre ses objectifs en utilisant les moyens mis à notre disposition.
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