Handicap et études supérieures : Fraîchement sorti de Sciences Po Paris, Adrien Lemercier, également vice-président de la Fédéeh, est un bel exemple de réussite pour tout jeune handicapé. Rapport avec les autres, adaptation, engagement associatif… Pour Handirect, il a accepté de témoigner dans une tribune sur son parcours d’étudiant.
Aujourd’hui, on oppose malheureusement trop souvent le handicap et les études supérieures, comme deux mondes ne pouvant se rencontrer. Heureusement, les mentalités changent mais… encore trop lentement à mon goût ! Je suis aujourd’hui âgé de 25 ans et diplômé de Sciences Po Paris. Les études supérieures se terminent donc pour moi, avec la découverte de la vie professionnelle.
J’ai personnellement beaucoup apprécié cette période. Avec le recul, je peux maintenant affirmer qu’elle a été une très grande source d’épanouissement pour moi en comparaison avec les années au lycée. Différentes raisons peuvent l’expliquer : meilleure confiance en soi, développement personnel, plus grande maturité des camarades, changement global des mentalités depuis une bonne dizaine d’années…
Dès l’entrée à Sciences Po, j’ai continué à bénéficier de la véritable révolution que représente le développement des aides techniques pour les déficients visuels. Je travaille de manière totalement informatisée, avec un ordinateur équipé d’une synthèse vocale et d’un petit « écran » Braille relié à l’ordinateur. Cela m’a permis d’accéder, comme n’importe quel étudiant, aux ressources numériques disponibles : Internet, revues et ouvrages en format électronique, documents et TD distribués par les enseignants… Je regrette toutefois que tous les ouvrages ne soient pas encore disponibles en format numérique.
L’accès à la culture et au savoir de manière autonome n’est-il pas un droit fondamental pour tous ? J’ai pu également bénéficier de l’investissement de Sciences Po en ce sens comme par exemple le développement considérable de la Bibliothèque numérique depuis quelques années ou l’achat de matériels spécifiques adaptés… Sciences Po a également mis en place un service d’accompagnement en bibliothèque : des étudiants ont ainsi pu me lire des ouvrages non disponibles en format électronique. Ainsi, l’évolution des aides techniques a clairement permis de changer le regard vis-à-vis des jeunes déficients visuels souhaitant entreprendre des études supérieures.
Malheureusement, certains ignorent toujours la présence de telles possibilités : cela peut poser problème concernant notamment l’insertion professionnelle. Un travail de sensibilisation reste donc indispensable. Pendant le Master, je n’ai toutefois pas eu de problème particulier pour obtenir un stage. Mais l’accès aux études supérieures, c’est aussi la pleine intégration à la vie étudiante dans son ensemble. C’est par exemple pouvoir participer aux activités qui nous intéressent sur le campus, avoir une vie sociale riche ; bref, profiter de cette belle période ! Tout nouvel étudiant a besoin de prendre ses marques quand il découvre la vie sur le campus ; c’est encore plus vrai quand on a un handicap.
Ma première année à Sciences Po n’a pas été aussi dynamique que les années suivantes. Je regrette de n’avoir pas participé dès le début à la vie associative de mon Université. S’investir dans les associations étudiantes peut constituer un bon moyen de tisser des liens rapidement. L’année suivante, qui était l’année obligatoire à l’étranger, m’a permis –comme pour les autres étudiants en échange-, de découvrir tous les aspects sympathiques de la vie étudiante…
Les autres étudiants ont ainsi eu, dans l’immense majorité des cas, un comportement tout à fait naturel avec moi. Je pense qu’il ne faut pas hésiter à parler de son handicap, de la manière dont on peut le surmonter, pour éviter toute incompréhension ou même l’apparition de préjugés. Il est clair que plus les jeunes en situation de handicap seront intégrés dans les circuits classiques, plus le regard global de notre société changera. À titre d’exemple, combien de personnes imaginent encore que les déficients visuels ne vont pas au cinéma, ont des loisirs très limités… Aller au cinéma entre amis est l’une de mes activités préférée !
Seulement 20 % des jeunes handicapés poursuivent des études supérieures après le bac, c’est insuffisant !
Contribution Handirect.fr. Fondé en 1997, Handirect est un bimestriel indépendant spécialiste du handicap. Son objectif ? Diffuser le plus grand nombre d’informations pratiques concernant les personnes handicapées, leur entourage familial et professionnel. Handirect est devenue une référence dans le monde du travail grâce à son supplément Handirect Emploi.
Rencontrez un talent !
Partenariat
© 2024 Talentéo. Toute reproduction interdite sans l’autorisation de l’auteur.