Humoriste, acteur…Voici Artus réalisateur et co-scénariste. Il signe son tout premier film « Un p’tit truc en plus » dans lequel on retrouve Clovis Cornillac, Alice Belaïdi et onze comédiens en situation de handicap mental. Un film tendre, drôle, ni caricatural, ni moralisateur… Artus revient sur cette aventure pas comme les autres.
Artus, avant le tournage, vous nous confiiez qu’il susciterait sans doute des moments d’émotions que vous n’auriez peut-être pas vécus avec des comédiens valides. A-t-il tenu ses promesses ?
Oui et plus encore. Nous avons vécu des moments fous. Et cela a eu un effet que je n’avais pas prévu sur toute l’équipe. Tout le monde était très détendu. Toute l’équipe était au service du film et au service des comédiens. Donc ça a vraiment mis une ambiance folle. Je n’ai pas d’exemples précis, mais chacun des 40 jours de tournage a été dingue.
Vous êtes-vous inspiré de leur personnalité pour écrire leur rôle ?
Oui. Je ne voulais pas d’acteurs. Je cherchais des personnalités. Je voulais donc vraiment qu’ils puissent ne pas jouer, mais être eux le plus possible. C’est pour ça que j’ai écrit après les avoir castés.
Personne ne pourra venir me reprocher d’avoir poussé le curseur trop loin. Le curseur, c’est eux. Thibault dans la vie porte réellement des costumes de bouteilles de ketchup ou de banane. D’ailleurs à l’écran, ce sont les siens.
Comment les avez-vous dirigés, eux qui ne sont pas comédiens ?
Il faut prendre le temps de trouver pour chacun d’eux la bonne façon de travailler. Cela peut mettre un peu de temps à se mettre en place. Par exemple, pour Ludovic, cela a été l’oreillette. Cela lui permettait de se concentrer sur ce qu’il entendait.
Avec Arnaud, on utilisait la méthode du « perroquet », on lui disait la réplique et lui la répétait. Après, je les ai laissés aussi faire les choses comme ils le sentaient. Je leur donnais le sens de la scène et après je les laissais faire. Je voulais que ce soit leurs mots.
En quoi ce film diffère-t-il d’un autre tournage ?
Il a d’abord coûté assez cher : 6,5 millions d’euros. Cela vient du fait que chacun des comédiens en situation de handicap avait un ou plusieurs accompagnants. Je voulais également du temps pour tourner. Je ne voulais pas que l’on me presse en me disant « tu as 10 min là pour entrer une séquence ».
J’ai expliqué à l’équipe et aux producteurs qu’il y aurait sans doute des moments où on ne pourrait rien tourner parce qu’ils ne seraient pas d’humeur ou qu’on devrait tout changer. Il faut être aussi toujours prêt à tourner, sur le qui-vive pour chopper des moments de vie.
En réalité, je pense que c’est le tournage le plus simple que j’ai fait. On finissait dans les temps à chaque fois et même parfois en avance. Ce qui n’arrive généralement jamais. Et puis j’avais anticipé le fait que si on n’arrivait pas à tourner une scène qu’on ait la possibilité d’en faire une autre. C’est pour ça qu’il y a très peu de lieux de tournages pour pouvoir changer notre fusil d’épaule. Mais cela n’a pas été nécessaire.
Comment le reste de l’équipe a-t-il réagi au fait de travailler avec des personnes en situation de handicap ?
Tout dépend du vécu de chacun. Il y en a qui ont des personnes handicapées parmi leurs proches, d’autres non. Par exemple Clovis (Cornillac) au début faisait partie de ces gens qui ne savent pas trop comment aller vers l’autre. Ce n’est pas par méchanceté, mais plutôt par peur de gêner. En fait, il s’est rendu compte, et c’est ce que j’espère que le film montrera, qu’il n’y a pas de façon d’aller vers eux, il suffit juste d’y aller.
Que deviennent-ils tous aujourd’hui ?
Chacun a repris sa vie. Arnaud est reparti travailler au Café Joyeux. Ludovic est retourné dans son IME. Ils sont un peu éparpillés dans toute la France, à Béziers, à Lyon, à Toulouse…
Gardez-vous un lien ?
C’est un film qui en crée forcément. Évidemment il y en a avec lesquels j’ai un lien plus fort qu’avec d’autres comme avec Soso (Sofian Ribes). C’est comme mon petit frère.
Elle témoigne !
Diriez-vous qu’à ce jour, c’est le meilleur tournage de votre vie ?
Oui. Cela le restera pour mille raisons, parce que c’est un tournage particulier grâce à eux, parce que dans tous les cas, et parce que ça restera mon premier film et peut être mon dernier. D’ailleurs, comme il a une couleur particulière, cela fait un peu peur pour la suite. On se dit « qu’est-ce que je vais faire après ça ? » et là, je n’ai pas la réponse.
Qu’attendez-vous de ce film ?
J’espère que cela contribuera à normaliser la présence de personnes en situation de handicap à l’écran. D’ailleurs, je pense que la prochaine étape, c’est d’avoir des comédiens en situation de handicap, mais qui ne campent pas des rôles d’handicapés. Qu’est-ce qui empêche que l’actrice qui incarne une caissière d’un supermarché ait un petit truc en plus ? Ce serait bien que cela ne soit pas un sujet.
Quel est le petit truc en plus d’Artus ?
Pendant longtemps, ça a été 35 kilos. Maintenant j’ai un peu perdu.
Quel serait votre handicap dans la vie ?
L’impatience et je suis très intolérant du con. En général, ce sont des gens bêtes qui deviennent méchants. Avant, cela m’énervait, mais aujourd’hui je dépense plus d’énergie pour ça.
Vous évoquez votre impatience, mais pour monter un tel film ne faut-il pas se montrer patient au contraire ?
En réalité, ce sont les films avec des acteurs qui ont cinquante caprices à la minute qui demandent de la patience. Pas celui-là. C’était juste de la bonne humeur.
Quel enseignement avez-vous tiré de cette expérience ?
Cela apprend à relativiser. Quand vous voyez un mec comme Sofian (Ribes) qui vit avec une épée de Damoclès au-dessus de sa tête et dont l’espérance de vie est réduite (ndlr : il est atteint d’une maladie rare, l’ataxie-télangiectasie) et qui garde malgré tout la banane, qu’est-ce qu’on s’embête à s’énerver sur des petites choses ?
Moi, cela m’a changé. J’ai arrêté de me prendre la tête pour des trucs débiles. Avec ma femme par exemple, quand on est de mauvaise humeur et qu’on démarre mal la journée, on s’en rend compte et là on se dit « on redémarre cette journée ? », on se dit à nouveau « bonjour », on efface et on passe à autre chose.
Vous être parrain des Jeux Paralympiques. Comprenez-vous qu’ils suscitent moins d’engouements que les Jeux Olympiques ?
C’est de la méconnaissance. Les gens ont l’impression que ce sont des sous-épreuves, des sous-sports. Mais pas du tout. Il faut avoir conscience que dans un marathon, les sportifs en fauteuil battent les valides. Leurs performances sont dingues. Ce sont juste des règles différentes.
Il faut que les spectateurs s’y habituent comme ils se sont habitués au sport féminin. Aujourd’hui le foot féminin a trouvé sa place, mais il y a encore quelques années, on ne le regardait pas. Je trouve que les médias ont un rôle important à jouer pour éduquer les gens. Si on met les Paralympiques en avant, comme les Jeux Olympiques, il n’y a pas de raison que cela ne prenne pas. C’est passionnant.
Toute la rédaction vous invite à découvrir le film « Un petit truc en plus » d’Artus dès demain dans toutes les bonnes salles de cinéma ! Vous l’avez déjà vu ? Partagez-nous votre retour sur nos plateformes sociales !
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