Thérèse Lemoine est une rebelle. C’est ainsi qu’elle se définit. Quand à 20 ans un chauffard la condamne à vivre dans un fauteuil roulant, elle se révolte contre le sort. Elle s’initie à l’escrime et devient championne du monde, trois fois médaillée olympique. Avec une ténacité incroyable, cette bretonne globe-trotteuse parcourt le monde de la Thaïlande à l’Équateur.
Cependant, les années ne parviennent pas à effacer son désir maternel. À 40 ans, célibataire et en situation de handicap, elle décide d’adopter un enfant. Elle rencontre Olga, une petite fille russe de 7 ans. Commence alors la plus aventureuse de ses aventures : devenir maman. En collaboration avec le romancier-essayiste, Denis Labayle, elle raconte son parcours dans un livre à paraitre aujourd’hui : Adoptée. Talentéo est allé à la rencontre des deux auteurs.
Thérèse, pouvez-vous nous présenter votre parcours ?
A 20 ans, j’ai eu un accident de la route qui m’a laissée paraplégique. A cette époque, le handicap ne faisait pas parti du paysage. J’ai fait ma rééducation dans un centre très connu, le Centre Mutualiste de Kerpape, dans le Morbihan. Cependant, à la sortie, le monde du travail ne vous est pas ouvert. Quand j’ai eu mon accident, j’étais étudiante à Rennes avec pour objectif d’entrer dans une compagnie de danse contemporaine. Mes rêves se sont brisés quand je me suis retrouvée en fauteuil roulant.
Arrivée au centre de rééducation, j’ai fait la rencontre d’un jeune médecin qui faisait bouger les lignes. Il s’est battu pour que les personnes qui se retrouvaient dans son centre, souvent âgés entre 20 et 25 ans, puissent avoir accès à un emploi et un logement. A la fin de mes études d’animatrice socio-culturelle, ce médecin me propose un poste d’éducatrice sportive dans le centre de rééducation. Je dirais toujours que ce fut la chance de ma vie. J’avais pour mission de rendre autonome mes semblables, également paraplégiques.
Ainsi, j’ai fait toute ma carrière professionnelle dans ce centre. J’ai adoré ce travail. Cela n’a pas toujours été simple, mais c’était une véritable richesse humaine. Aujourd’hui, je suis à la retraite, mais je reste impliquée via le conseil d’administration du Fond de dotation Kerpape.
Vous avez également un parcours de sportive de haut-niveau. Pouvez-vous nous en dire plus ?
En parallèle de ma vie professionnelle, j’ai eu besoin de me lancer dans une activité sportive pour me reconstruire. Le sport donne une image positive. Je me suis donc initiée à l’escrime. J’ai été sélectionnée à trois reprises aux jeux paralympiques.
J’avais besoin de ça pour me prouver que j’étais capable de faire des choses. Je me répétais dans ma tête : « je ne suis pas handicapée ». Je n’aime pas ce mot. A mon sens, il ne renvoie qu’à du négatif. En 2020, beaucoup de personnes associent le handicap à l’incapacité de faire. On s’arrête à la première image et cette dernière fausse tout. Les préjugés me collent aux roues ! (Rires)
Pouvez-vous nous raconter votre rencontre ?
Denis : J’ai rencontré Thérèse en 1997 lorsque j’enquêtais en France pour un essai intitulé : « La France de L’audace. Les initiatives qui changent la société ».
. Dans cet essai, j’ai consacré un chapitre aux personnes en situation de handicap qui sont à l’origine de progrès au bénéfice de la société. Depuis, nous sommes restés amis.
Vous êtes les auteurs du livre « Adoptée », pouvez-vous nous raconter l’écriture de ce dernier ? Comment vous est venue cette idée ?
Denis : Le projet d’écrire ce livre est ancien. Il s’est concrétisé peu de temps après que j’ai publié un récit : « Dans les pas du fils » qui conte l’aventure humaine d’un père et d’un fils, partis faire un périple à cheval au Kirghizstan. Le fils est en plein décrochage scolaire et conduites antisociales. Entre eux, c’est la haine. J’avais interviewé séparément le père et le fils, le résultat fut une réussite. Il va sortir bientôt en bandes dessinées.
Avec Thérèse et sa fille, j’ai procédé de la même façon, en commençant par les écouter séparément. Je leur ai promis qu’elles auraient toute liberté pour corriger le texte. La démarche d’écouter les deux vécus enrichit considérablement le récit. La première lecture du manuscrit fut difficile pour l’une comme pour l’autre, je le comprends parfaitement. J’ai tenu compte de leurs demandes de correction, et peu à peu, elles se sont appropriées le texte.
Thérèse : Je n’aurais pas accepté de faire ce livre si ma fille n’était pas d’accord. Pour elle, c’était un exercice difficile, mais elle a accepté de jouer le jeu. Denis a mis du temps pour trouver la meilleure formule pour aborder ce sujet. Pendant longtemps, je n’ai jamais su ce que ma fille racontait et réciproquement. La communication n’est pas toujours simple, mais tant qu’elle est authentique, ça fait du bien !
Pourquoi avez-vous souhaité parler de l’adoption de votre fille ?
Thérèse : Vivre le handicap au quotidien ce n’est pas simple. Lorsque j’ai pris la décision de me lancer dans l’adoption, ce n’était pas gagné d’avance. En effet, se présenter et faire comprendre à des personnes que je peux être une maman c’était compliqué. J’ai eu des entretiens avec des psychologues, psychiatres, le parcours habituel de toute personne souhaitant adopter. Beaucoup s’accorde à dire que c’est le parcours du combattant. De mon côté, je me suis attachée à rester telle que je suis, c’est-à-dire authentique. J’ai finalement obtenu mon agrément.
Je revendique le droit à la différence. Ce livre a été motivé par la volonté de déconstruire les préjugés auxquels les personnes en situation de handicap font face au quotidien.
Denis, pourquoi avoir accepté ce projet ?
Denis : J’ai accepté ce projet pour plusieurs raisons. Tout d’abord, je trouve la résilience de Thérèse et celle de sa fille Olga riches d’enseignements. Ensuite leur évolution, les difficultés rencontrées, les déchirures et les retrouvailles peuvent aider les familles adoptantes comme les personnes adoptées. Il est rare qu’on puisse avoir simultanément les deux points de vue. Enfin, pour moi, ce double récit est une magnifique aventure humaine.
Quels messages souhaiteriez-vous passer à nos lecteurs ?
Denis : L’adoption n’est pas un long fleuve tranquille ni pour les uns ni pour les autres, car il subsiste toujours le fantôme de l’abandon. Comme toute aventure, elle peut permettre de mieux se connaître et de mieux rencontrer l’autre, cet inconnu. Ce récit prouve qu’il faut toujours espérer.
Thérèse : Je souhaite à travers ce livre donner espoir aux jeunes qui se retrouvent en situation de handicap. Leur dire qu’ils ont encore du potentiel et de belles choses à vivre.
Le livre « Adoptée : une rencontre improbable. Une incroyable aventure. » est disponible dès aujourd’hui en librairie. N’hésitez pas à partager vos impressions sur ce récit de vie hors-norme et inspirant sur nos plateformes sociales !
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