Le 16 mai dernier se déroulait le DuoDay. Cet événement proposait à des personnes en situation de handicap de s’immerger dans le quotidien d’entreprises. Au-delà d’une simple journée, ce dispositif s’est trouvé être, pour certains, le point de départ de reconversions professionnelles. Nous nous sommes rendus à la Collectivité de Corse pour rencontrer Anne-Marie Pietri, Secrétaire de Direction, et Muriel Têtard, en reconversion. Focus sur une belle réussite !
Pouvez-vous présenter vos fonctions et votre parcours ?
Muriel Têtard : Je suis au sein de la direction de la culture de la Collectivité de Corse pour suivre une formation sur le métier de secrétaire de direction. Auparavant, j’ai été femme de ménage durant 25 ans. Malheureusement, à la suite de plusieurs accidents du travail ayant conduit à une maladie professionnelle, je ne pouvais plus exercer mon métier. N’ayant plus les conditions physiques, mon employeur m’a donc « poussée » vers la sortie. A la suite de cela, j’ai connu une période de dépression dont je suis sortie avec l’aide d’un entourage très bienveillant. J’ai eu vent du plan « agir » permettant aux personnes en situation de handicap d’entreprendre une formation avec l’Afpa pour des métiers d’accueil et de secrétariat. Je bénéficie donc de ce dispositif.
Anne-Marie Pietri : De mon côté, je suis secrétaire de direction à la direction de la culture de la Collectivité de Corse. Mon rôle au quotidien est la gestion du planning de notre directrice, la réception du courrier, la gestion des fournitures et l’accueil du public. Le moins que l’on puisse dire, c’est que ce métier n’est pas monotone. En effet, nous sommes tous les jours confrontés à des missions annexes qui entrent dans nos domaines de compétences, mais pas forcément dans notre fiche de poste. C’est un travail qui demande donc une certaine capacité de flexibilité !
Vous avez récemment été en binôme à l’occasion du DuoDay, comment s’est déroulé cet échange ?
A.M.P : Lorsque j’ai vu l’information du DuoDay passer sur notre intranet, je me suis dit que nous ne pouvions pas passer à côté d’une double opportunité. D’une part, cela nous permettait de faire découvrir notre métier et de donner l’envie de le pratiquer. D’autre part de plonger au cœur d’une administration publique pour en découvrir les rouages. En amont du jour J, nous avons scénarisé la venue de Muriel. Notre objectif était de lui proposer un panorama de notre activité en un temps réduit. Lorsqu’elle est arrivée le 16 mai dernier, Muriel a tout de suite été dans le bain. La journée s’est tellement bien passé, qu’à son issue Muriel nous a indiqué avoir un stage de 15 jours prévu dans sa formation. C’est donc tout naturellement que nous lui avons proposé de l’effectuer dans notre service.
M.T. : Cette expérience m’a vraiment permis de retrouver confiance en moi et une dignité. J’ai pu découvrir un métier et surtout son impact sur mon handicap. Aujourd’hui, je souhaite être considérée pour mes compétences. C’est pour cela, que dans ce corps de métier, j’aurai besoin d’un bureau adapté. Cela me permettra de me consacrer pleinement sur mon travail plutôt que sur la douleur.
A.M.P : J’aime beaucoup la démarche de réflexion et de prise de conscience que nous impose le DuoDay. Cela nous a permis de ne pas entrer dans un cadre spécifique avec un rapport classique entre stagiaire et tuteur. Lorsque je me suis lancée dans ce dispositif, mon premier réflexe a été de me mettre en recherche d’un moyen de compenser le fait que notre bâtiment n’est pas accessible aux fauteuils. Aussi, je pensais qu’il n’aurait pas été possible d’accueillir une personne en situation de handicap. Finalement, Muriel est arrivée, tout s’est très bien passé et les préjugés sont tombés !
Comment se sont déroulés ces 15 jours de stage ? Quelle en sera la suite ?
M.T. : A ma grande surprise, de manière beaucoup plus fluide qu’en cours. Durant ces 15 jours, j’ai été totalement en immersion avec une personne qui a pris le temps de m’expliquer mes missions et d’analyser mes points de blocage pour les lever. J’ai des faiblesses, notamment sur l’outil informatique que je ne maîtrise pas très bien. Ici, je peux apprendre de manière très pratique auprès d’une équipe très patiente et humaine. Ainsi, je pense que je ne pouvais pas rêver mieux pour ma reconversion !
A.M.P : Lorsqu’elle est arrivée chez nous, Muriel était tétanisée à l’idée de faire des erreurs. Le premier objectif a été de l’encourager et de lui faire prendre conscience que… nous faisons tous des erreurs ! Lorsque nous recevons des personnes en immersion, nous souhaitons les confronter à la réalité de manière bienveillante. Nous faisons en sorte qu’elles se sentent le mieux possible. A la suite de ce stage, je peux vous dire que Muriel est quelqu’un de très compétent qui pêche uniquement par un manque de confiance en elle. J’ai d’ailleurs été impressionnée par ses capacités de mémorisation ! En effet, dans nos métiers, nous devons être multitâches avec des demandes qui émanent de nombreuses personnes et il est souvent difficile de s’y retrouver sans omettre une action. Muriel se souvient avec précision de toutes ces requêtes. C’est une très grande qualité pour cette profession ! Ainsi, le stage s’est tellement bien déroulé que nous avons décidé de le renouveler en octobre prochain pour 4 semaines. Le DuoDay a donc été une vraie réussite pour nous permettre de rencontrer cette personne et l’accompagner plus loin qu’une journée !
Quel message souhaitez-vous passer aux structures et aux personnes en situation de handicap hésitant à participer à cette journée ?
M.T. : Ils ont tort ! Il ne faut pas avoir peur de l’inconnu. C’est vrai que nous sommes « différents », mais nous n’avons aucune obligation d’en parler. Avant d’être des personnes en situation de handicap, nous sommes des êtres humains dotés de compétences et de savoir-être. C’est cela que le DuoDay permet de mettre en avant.
A.M.P : Il est, à mon sens, problématique et aberrant de devoir faire encore la promotion de l’accueil de personnes en situation de handicap en entreprise. Cela devrait être naturel dans l’esprit de tout professionnel. Nous oublions trop souvent une chose lorsque nous parlons de handicap c’est que toutes ces personnes rivalisent d’astuces pour se débrouiller et masquer leur manque d’aptitude et de qualification.
Ne serait-ce pas mieux de construire une société plus inclusive pour que ces capacités uniques soient employées dans nos collectivités et entreprises ?
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