Tous les mois, le dossier « Travailler avec un collègue en situation de handicap » se penche sur un état de santé posant parfois problème au travail. Aujourd’hui, nous expliquons ce que signifie la maladie de Crohn, et vous livrons le témoignage de Latifa*.
La maladie de Crohn, ou le handicap comme une différence
Aujourd’hui en France, 80 % des personnes en situation de handicap le sont de façon totalement invisible. Cela peut choquer, et pourtant, c’est la réalité : 2 % seulement des personnes handicapées sont en fauteuil ! La maladie de Crohn est une maladie elle aussi totalement invisible. Un(e) de vos collègues en est peut-être atteint(e) sans même que vous le sachiez.
Le handicap est une différence comme une autre. Il apporte ses richesses et ses obstacles au bon fonctionnement d’une équipe, tout comme n’importe quel autre aspect chez nos collaborateurs. Comment contourner ces freins au bon fonctionnement d’une équipe pour ne focaliser que sur les atouts ?
Chez Talentéo, nous avons compris que si nous pouvions sensibiliser au handicap dans l’emploi, il fallait surtout prendre en compte les situations au cas par cas. Pourtant, il est nécessaire de comprendre que le handicap est un ensemble de symptômes qui posent problème (ou pas) dans un contexte donné. C’est pour cela qu’on parle de situation de handicap.
Le handicap et la maladie de Crohn : savoir de quoi on parle objectivement
Latifa vit dans un petit village de Moselle, elle vient de fêter ses 30 ans. Comme plus de 60.000 français, elle est atteinte d’une forme sévère de la maladie de Crohn, qui l’a touchée il y a 15 ans. Diplômée d’une Licence en Communication des Organisations, elle a su surmonter les hospitalisations pour finir son parcours en 4 ans. Elle est aujourd’hui reconnue travailleuse handicapée (la fameuse RQTH) et en recherche d’emploi après avoir exercé la fonction de secrétaire.
La maladie de Crohn est une maladie inflammatoire chronique intestinale, il s’agit donc d’une maladie invalidante, qui touche plus souvent les adolescents et les jeunes adultes : la majorité des cas sont diagnostiqués entre 15 et 40 ans. Latifa n’échappe pas à cette règle, puisque sa maladie l’a touchée à l’âge de 15 ans : « Un jour ma maman demande au gastro « Quand est-ce que ma fille guérira ? » Sa réponse d’un ton, sec et froid : « Jamais… » Imaginez à 15 ans, le ciel vous tombe sur la tête. »
Maladie de Crohn : les symptômes
Les symptômes de cette maladie sont fréquents, même s’ils sont invisibles. Latifa en témoigne : « Ça ne se voit pas tellement. On a bien des cicatrices, mais elles sont cachées. Même quand on est fatiguée, avec les traits tirés, avec un peu de maquillage on peut tout dissimuler. Le plus compliqué, c’est le fait de courir aux toilettes. »
En effet, les symptômes de la maladie de Crohn ne sont pas des plus confortables. Ils se manifestent lors des « poussées », qui alternent avec des phases de rémission. Les principaux symptômes lors des poussées sont des douleurs abdominales, qui s’accentuent après les repas et des diarrhées chroniques. On observe souvent une perte de poids (par malabsorption). Il n’est pas rare que les poussées soient accompagnées d’un peu de fièvre. La fatigue est un symptôme persistant.
On utilise un indice d’activité pour savoir si la maladie est en poussée ou non, c’est l’indice de BEST, évalué par un questionnaire qui permet d’obtenir un score qui désigne le stade de la maladie. Cet indice permet de classer la maladie suivant 4 stades : maladie de Crohn inactive, poussées minimes à modérées, poussées plus sévères et poussées très sévères.
Maladie de Crohn et vie professionnelle
Si Latifa n’a aucun tabou au sujet de sa maladie, elle avoue qu’en parler lui a déjà porté préjudice. Après avoir effectué une période d’intérim dans un grand groupe Français, Latifa a annoncé son handicap : « J’ai passé tous mes entretiens avec succès, ils avaient même déjà pris leur décision. Pour mon directeur et mon chef, tout était ok. Mon contrat d’intérim arrivait bientôt à son échéance, j’ai été convoquée à la médecine du travail. Je sens le malaise mais je ne dis rien.
Au moment de m’en aller, j’entends la secrétaire médical dire au médecin « C’est super d’embaucher une petite jeune comme elle », puis le médecin lui rétorquer « Oui, oui, mais je ne pense pas qu’on ait besoin de bras cassés au sein de l’entreprise. (…) On m’a dit Inapte à une tâche bien précise, qui n’existe plus en réalité mais, qui est inscrite noire sur blanc sur cette fameuse Fiche de poste… »
A présent, suite à ce reclassement en inaptitude, Latifa attend toujours un moment pour parler de son handicap : « je préfère faire mes preuves, et montrer que ce n’est pas un obstacle, que je fais bien mon travail, comme les autres voire mieux, comme on me l’a dit quelques fois. Mais quand on est malade, il faut sans cesse en faire plus ; on a toujours quelque chose à prouver. »
Pourtant, les salariés atteints de la maladie de Crohn sont généralement plus actifs que le reste de la population française :
Le retentissement sur la vie sociale a été évalué directement par des patients porteurs d’une maladie de Crohn (et non par des médecins). Si certains souffrent d’une maladie très invalidante, dans l’ensemble la majorité des malades considère que les études, même supérieures, ne sont pas entravées par la maladie ; le pourcentage de sujets actifs est supérieur à celui de la population générale.
En effet, cela n’aurait pas dérangé la carrière d’hommes d’état, comme Louis XIII, le président Eisenhower, ni celles de célébrités Hollywoodiennes comme Anastacia, Shannen Doherty ou encore le guitariste de Pearl Jam, Mike McCready. Côté sport, le quaterback américain David Garrad ou encore la kayakiste Carrie Johnson sont également atteints de la maladie de Crohn.
Combattre les stéréotypes autour du handicap pour mieux travailler ensemble
Pour Latifa, mis à part les conseils médicaux et techniques, le plus important pour résoudre les problèmes éventuels est de créer un lien de confiance. Mais aussi de « ne pas hésiter à en parler, créer une vraie relation professionnelle, et avant toute chose, ne pas voir un malade, mais l’être humain, la personne que nous sommes. »
Si en parler est capital, Latifa nous met toutefois en garde contre une sur-évocation du problème : « Parfois on est naif… le travail reste le travail, parfois il faut savoir laisser ses problèmes à l’extérieur, c’est la meilleur des thérapies… le travail m’a beaucoup aidé à prendre confiance en moi-même. La vie n’est pas faite que de mauvaises expériences. On arrive toujours à avancer quand on s’en donne les moyens, même très très malade. »
Des solutions pour toutes les entreprises
A ce titre, Latifa pense que lereseautalenteo.fr est « une bonne chose, je pense qu’en France on a encore du mal à s’engager, à créer et aider, les personnes en situation de handicap. Vraiment, ça peut être un vrai coup de pouce pour quelqu’un comme moi, atteinte de maladie de Crohn, ainsi que d’autres personnes malades. »
« Si je pouvais parler à tous les patrons français, je leur dirais que la maladie de Crohn est une maladie qui n’est pas contagieuse, que c’est une pathologie, qu’on arrive plus où moins à gérer avec de bon traitements, mais que physiquement on est un petit plus fatiguée qu’une personne non atteinte. La maladie n’empêche pas d’exercer une profession. Nous malades travaillons aussi bien que les autres, voire même plus. Bien sûr, plus que jamais je leur conseillerais d’embaucher et de nous donner notre chance surtout, que nous les jeunes, sommes très touchés. Nous avons les capacités, et pour ma part je m’investis et me donne à 100 % dans tout ce que j’entreprends. D’ailleurs si un patron m’entend… »
* Pour conserver l’anonymat de notre interviewée, nous avons changé son prénom ainsi que des détails qui auraient pu permettre son identification. Si vous souhaitez contacter Latifa, vous pouvez le faire par notre intermédiaire via notre formulaire de contact, en précisant que vous réagissez à cet article.
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