Poursuivant notre objectif de partager et mettre en avant de beaux parcours professionnels nous avons rencontré Sébastien Lathuile. Ce fleuriste français expatrié en Chine met en avant les talents des personnes sourdes et muettes.
Bonjour, pouvez-vous vous présenter ainsi que votre parcours ?
Bonjour, je m’appelle Sébastien Lathuile, je suis un fleuriste français au parcours international et un entrepreneur social.
Ma passion a commencé à 6 ans, lorsque je cueillais des fleurs pour ma grand-mère. Après avoir effectué mes études de fleuriste en France, je me suis expatrié à Londres.
Les événements de la famille royale, les soirées chez Elton John, le mariage de Pierce Brosnan, ne représentent qu’une fraction de mes travaux londoniens.
En 2004, à la recherche de nouveaux horizons, je me suis installé à Shanghai. Après un an je me lançais et créais mon entreprise. 3 semaines plus tard, je décrochais le contrat du plus grand hôtel de Chine.
Le développement de l’entreprise commence rapidement avec l’augmentation du nombre d’employés, du nombre d’ateliers ainsi que la diversification des villes d’implantation.
Mon objectif est de créer un concept que je pourrais reproduire en Asie avec pour obligation l’emploi de personnes sourdes muettes.
Parlez-nous de votre projet artistique, en quoi consiste-t-il ?
Avec le photographe Bertrand Stark, notre idée était de faire une exposition composée uniquement de diptyques.
En été 2007, les premières images sont réalisées à Shanghai. Le format diptyque a été choisi pour différencier deux mondes. A gauche, le monde de l’art floral, à droite celui de la botanique, avec les détails des fleurs passés au microscope.
Le côté créatif est très important. Aucun des arrangements n’est pensé à l’avance. Je créé l’arrangement en quelques minutes avec l’inspiration du moment.
Le projet est relayé au second plan pendant quelques années. Mais en 2012, le spécialiste marketing que je recrute, s’étonne que je ne fasse rien de ces photos. Il propose d’en faire un livre, en réalise la maquette et le commercialise.
Pourquoi avoir fait appel à des personnes sourdes et muettes pour collaborer à cette réalisation ?
J’ai commencé à recruter des sourds-muets en 2010 pour mes équipes de Shanghai. Là-bas je leur ai appris ma façon de travailler.
Ils anticipent les besoins car ils visualisent l’arrangement que j’ai formé mentalement. Lorsque je doute, ils s’investissent, me montrent des fleurs, partagent leurs idées. Ils ont une attention du détail très développée.
Rapidité mentale, anticipation, sens de l’observation, spontanéité font partie des qualités que je leur trouve. Ce sont également des qualités que j’avais du mal à retrouver chez les employés chinois entendants.
Le langage annule un élan vital et naturel. Il met des barrières, rend les choses plus complexes, créé de la retenue.
En ce qui concerne le travail quotidien au sein de l’entreprise nous avons mis en place des réunions par vidéo conférence quotidiennes entre les différents centres de production. Chaque jour, un mot est appris par l’ensemble des employés pour faciliter leur communication et intégration. Je pense réellement que ce management contribue à une meilleure acceptation des sourds-muets.
En tant qu’artiste, quel constat faîtes-vous de la perception actuelle du handicap en France et dans le reste du monde ?
Expatrié depuis 17 ans, je n‘ai aucune expérience en France. Ma seule expérience est en Chine concernant les personnes sourdes et muettes
Quelques faits qui parleront d’eux-mêmes :
- Lorsque que j’ai pris la décision de recruter des sourds-muets, ma secrétaire a contacté le bureau des handicaps de Shanghai. Nous n’avons jamais reçu de CV, de visites, de suivi comme convenu.
- A cause d’un cas de corruption sur des implants auditifs ayant un défaut visuel et ne pouvant être exportés, 200 personnes ne pourront pas entendre mieux.
- Les personnes atteintes de ce handicap sont tous formées aux mêmes choses. Le graphisme et l’informatique étaient presque les seuls choix de formation. Il y a 15-20 ans ils étaient formés à être tailleur.
- En Chine, à partir d’une certaine taille, toute entreprise a l’obligation d’employer des travailleurs en situation de handicap. Si tel n’est pas le cas l’entreprise est soumise à une taxe. La plupart préfèrent payer cette taxe ou n’ont pas l’effectif suffisant donc la paient de toute façon.
J’ouvre une boutique à Bangkok prochainement. Je recherche une personne sourde et muette pour être l’un des 3 fleuristes. J’ai déjà une piste : un professionnel qui fait de l’art floral thaïlandais et le vend dans la rue. Mon assistante va aussi prendre contact avec des institutions thaïes. L’emploi social a une plus haute valeur dans ce pays et est supporté par la famille royale comme le gouvernement.
Quel message souhaitez-vous passer à nos lecteurs ?
Les personnes sourdes et muettes ont une sensibilité exceptionnelle. Ils sont capables d’excellence, de répétitions à l’identique. Je rêve d’équipes à 100 % sourdes et muettes.
Je sais comment gérer l’organisation du travail et la communication efficace entre eux et l’hôtel. C’est d’ailleurs avec eux comme utilisateurs que je créé tous mes processus de travail. Le langage oral devient non-nécessaire. Il faut travailler encore plus pour montrer ses talents. Moi je sais d’expérience qu’ils sont là.
Vous connaissez une politique RH similaire ? Vous trouvez que le handicap rend plus performant pour certains métiers ? Venez échanger avec nous sur les réseaux sociaux, nous attendons vos témoignages.
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